Ka/Noa, le prêt-à-porter suisse à l’esprit slow wear
Comment avez-vous eu l'idée un peu folle de créer votre marque de vêtements ?
L’idée de départ n’était pas de créer une marque, mais de répondre avant tout à un besoin personnel. Mon travail de l’époque comme consultant dans le cadre de restructurations industrielles m’emmenait sur les routes et dans les airs presque 300 jours par an.J’étais à la recherche d’un dressing composé de pièces qui pourraient aller pour toutes les occasions lors de mes déplacements, mais qui tiendraient dans un bagage à main. Et surtout des pièces de qualité et un vrai made in Italy, à un prix abordable. Après maintes recherches toutes restées vaines, j’ai décidé de créer et de développer mon propre vestiaire auprès d’artisans italiens reconnus. A l’arrivée des premières pièces, je me suis rendu compte que ce besoin était partagé par nombre de mes amis et connaissances à qui je les avais montrées. A la recherche d’un bureau à Lausanne, je suis arrivé aux Garages du Flon, et ce qui aurait dû être un bureau est devenu un showroom/boutique, la première Ka/Noa. De là est née la marque qui porte le nom de mes enfants Kaia et Noah, et j’ai compris que ce vestiaire personnel allait devenir bien plus que quelques pièces dans mon armoire.
Quel cahier des charges vous étiez-vous fixé en matière de style ?
Je suis né dans le Nord du Piémont, une région dans laquelle les gens sont plutôt discrets. Pas de luxe ostentatoire, mais un luxe chuchoté, qui se reconnaît dans les matières et les détails. Vous savez, faire des pièces simples est le plus difficile car il n’y a pas de fioritures pour cacher les défauts. Une belle chemise blanche doit être parfaite à tous points de vue. Idem pour un t-shirt blanc. Ce sont les pièces les plus simples qui sont les plus compliquées à créer. Attaché à la valeur des choses, je souhaitais également des pièces intemporelles que l’on garde longtemps et dont on ne se lasse pas. Des pièces qui durent de par leur style et leur qualité. Un contre-pied au caractère éphémère de la mode d’aujourd’hui, royaume du « acheté-porté-jeté ». Enfin, je souhaitais un vestiaire où toutes les pièces se marient les unes avec les autres. Finies les fautes de goût et les achats qu’on ne sait pas avec quoi porter. Chez Ka/Noa, tout va avec tout.
Votre définition de l'élégance masculine ?
Une élégance intemporelle fondée sur des lignes et couleurs sobres, casual-chic et sans prétention.
Votre père était tailleur et vous faites souvent référence à lui. Comment a-t-il influencé vos goûts vestimentaires?
Mon père était couturier par passion. J’ai pu l’admirer, le dimanche, travailler les tissus lorsque j’étais enfant, il m’a véritablement transmis cette passion pour les belles matières et le souci du détail. Il m’a cousu mon habit de première communion et m’a appris le respect des choses et des gens qui les fabriquent. Ces valeurs, j’essaie aujourd’hui de les transmettre à mon tour à mes enfants, pour qu’ils comprennent que derrière chaque vêtement il y a une réalité, et que si on achète un t-shirt à 5 francs on doit être conscient de la réalité derrière sa fabrication. Et que ce n’est pas la même que celle derrière un t-shirt à 168 francs.
Comment travaillez-vous les détails ?
La pièce iconique de la collection Ka/Noa est la chemise Conrad en popeline blanche. J’ai imaginé cette chemise avec un col retourné à l’intérieur, dessiné en exclusivité pour la marque. Cette construction de col particulière lui permet de rester parfait sous un pull à col rond, par exemple, où l’on a souvent un pan du col qui ressort. Vu le succès de ce modèle, il existe maintenant en plusieurs matières et coloris.
Les pantalons sont toujours un autre casse-tête pour un homme. En tout cas cela l’était pour moi ! Nous avons donc travaillé et travaillé et travaillé pour arriver au pantalon idéal, qui va avec la même élégance à une taille 44 ou 56. J’ai développé chaque patron, chaque taille, pour garantir un tomber parfait quel que soit le physique du client.
Vous dessinez vous-même les modèles ?
Oui absolument, j’imagine et dessine moi-même tous les patrons de chaque pièce qui compose ma garde-robe idéale. Les dessins techniques sont ensuite réalisés avec chaque artisan, qui amène son savoir-faire et sa technique de réalisation. Il est primordial de travailler main dans la main car la façon assurera le résultat final, et seul on ne peut rien.
Vos tissus de prédilection ?
Je passe beaucoup de temps à rechercher des matières aussi naturelles que possible. Des matières confortables pour des vêtements qu’on ne sent pas. Des chemises et pantalons avec du stretch/élasthanne, du polyester 100% recyclé ou encore de la laine bouillie pour laquelle on bout le fil avant de le tricoter, ce qui assure un confort et un toucher doux au produit.
Comme on le dit toujours, chez nous, il faut entrer et toucher la différence.
Quels vont être les pièces fortes de cet automne/ hiver ?
Des tissus extraordinaires développés avec la manufacture italienne ancestrale Fratelli Tallia di Delfino. C’est la « Rolls » du tissus italien et nous avons collaboré pour certains blazers, des surchemises et des pantalons.
Vous venez d'ouvrir une boutique à Genève. avez-vous des projets de développement à l'étranger ?
Disons que nos plans de développement ont été fortement ébranlés par la crise du Covid. Mais optimistes par nature et tenaces - voire un peu fous -, nous avons décidé de ne pas nous laisser déstabiliser et de continuer à avancer.
Nous avons décidé d’ouvrir le magasin de Genève comme prévu, dès la réouverture des commerces au mois de juin. Et nous sommes aujourd’hui sur le point d’ouvrir notre première franchise à Toulouse. Toulouse, c’est la capitale de l’Occitanie, la région qui s’étendait des Pyrénées jusqu’au Piémont, et source d’inspiration de Ka/Noa pour le logo, le nom des produits… Nous y avons trouvé un partenaire amoureux de Ka/Noa, qui faisait partie de nos clients, et qui a décidé de se lancer avec nous dans cette aventure.
Vous avez comme associé Patrick Dempsey. Comment s'est faite votre rencontre ?
Il n’est pas à proprement parler un associé, mais c’est un ami de la marque et un de nos premiers clients e-commerce. C’est ensuite un ami proche avec lequel nous partageons des valeurs communes telles que l'authenticité, la recherche de la qualité, le respect, la simplicité et le luxe discret. Ce projet nous a rapprochés ainsi que nos familles, et nous nous sommes découverts nombre de points communs. Originaire du Maine, c’est un homme proche de la nature, des choses simples et du bien-vivre, tout comme moi. J’ai d’ailleurs développé avec lui les costumes qu’il porte dans la série italienne Devils, et il n’est pas rare que nous échangions sur les développements de la marque et de nos produits.